L’hypersensibilité est un terme de plus en plus utilisé, dans lequel de nombreux adultes et enfants se retrouvent. Mais de quoi parle-t-on réellement ? Je partage ici mon regard nourri de mes différentes casquettes de psychomotricienne, formatrice, coach et thérapeute.
Il me semble utile de repérer ces différents registres : hypersensibilité « sensorielle » (ou hyperesthésie), hyperréactivité, hypervigilance, hyper « perception » des émotions, hyperréactivité émotionnelle, hyperlucidité.
Bien que ces aspects soient souvent liés, chacun, adulte ou enfant n’est pas concerné de la même façon. Les distinguer permet de mieux se connaitre et de mieux faire avec.
Pour une lecture plus aisée, je nommerai le plus souvent les enfants dans cet article, tout en soulignant que tout ceci concerne également les adultes.
Hypersensibilité « sensorielle »
Nos sommes équipés de récepteurs sensoriels, comme autant d’antennes qui captent et reçoivent en permanence des informations. Les 5 sensibilités externes, qui nous donnent des informations venues de notre environnement, sont bien connues : toucher, goût, odorat, ouïe, vision. Les sensibilités liées au mouvement ou kinésthésiques sont étonnement moins connues bien que fondamentales. Des récepteurs sensoriels, situés dans l’oreille interne, nous informent de la position de notre tête par rapport à la verticale (sensibilité labyrinthique ou vestibulaire). D’autres récepteurs, situés dans l’ensemble de nos articulations, nous informent de la position des différentes parties de notre corps (sensibilité proprioceptive).
Chaque sensibilité repose à la fois sur des récepteurs, des nerfs qui transmettent les informations reçues et des circuits cérébraux qui vont les décoder, trier et mettre en mémoire.
L’ensemble de ces « antennes sensorielles» n’ont pas toutes les mêmes « réglages , thermostats, seuils de sensibilité ». Ainsi de même que "la princesse au petit pois" perçoit un pois sous dix matelas, de nombreux enfants ne supportent pas l’étiquette qui gratte, le grumeau dans la purée…
Les différences de réglage peuvent également provoquer ce que l’on peut appeler une hyposensibilité. Les enfants ont alors besoin de sensations plus intenses pour les percevoir : des goûts plus forts, des touchers plus appuyés, du mouvement en continu. Ces réglages différents expliquent de nombreux comportements souvent mal interprétés et mal compris.
Il est possible, voire fréquent d’être à la fois hypersensible et hyposensible selon l’entrée sensorielle. Ainsi un enfant peut ne pas supporter le bruit environnant, mais avoir besoin de bouger en permanence pour sentir son corps.
D’autres enfants peuvent également présenter des difficultés d’intégration neurosensorielle. Il s’agit d’une difficulté à faire des liens entre les différentes perceptions sensorielles, à les reconnaitre, à leur donner du sens. Habituellement, la centralisation de ces perceptions permet de s’y habituer, de mieux savoir les filtrer, de construire une cohérence à son environnement. Si le cerveau ne parvient pas à faire ces liens, ne peut les mémoriser, l’environnement reste perçu comme une surprise permanente, non anticipable, non reconnaissable et source d’anxiété.
Ce tour des sensorialités n’est pas exhaustif. Ainsi nous pouvons aussi nommer les sensibilités viscérales, en provenance de nos organes internes, parfois trop fortes.
Nous pouvons aussi évoquer d'autres types d'antennes plus ou moins développées, des sensibilités différentes, dont les soubassements neurophysiologiques sont encore peu connus ou reconnus (pression atmosphérique, électromagnétisme…).
Hyper réactivité
Percevoir l’environnement sensoriel de façon intense, peut amener à réagir fortement. Alors peuvent se manifester des hyperréactivités, considérées comme trop fortes, et mal comprises puisque l’entourage, n’ayant pas les mêmes seuils de perception sensorielles, n’en perçoit pas les causes et déclencheurs. Se sentir agressé, subir des sollicitations sensorielles trop fortes ou trop nombreuses, c’est se sentir envahi, débordé, voire attaqué, source d’une irritabilité plus ou moins grande. Ainsi une hypersensibilité peut s’exprimer extérieurement par des réactions exarcerbées, par des comportements parfois explosifs, impulsifs, vécus comme agressifs par l’entourage et donc souvent réprimandés, mal interprétés. Ils viennent déranger l’entourage. On en fait des reproches à l’enfant (ou adulte) Alors que c’est celui ci qui se sent agressé en premier lieu.
Repli
Cette hypersensibilité peut au contraire amener des comportements de retrait, d’évitement, de fuite. Ainsi un même état de stress sensoriel peut ne pas s’extérioriser. L’enfant se replie, il coupe, entre dans une bulle pour se protéger, voire se fabrique une carapace. De ce fait, il risque alors de se fermer et se couper de tout ce qui vient de l’extérieur.
Hypervigilance
Certains enfants développent une hypervigilance. Ils sont à l’affut de tout, par nécessité de de se protéger. C’est une façon de pouvoir anticiper et tenir ainsi à distance ce qu’ils perçoivent de leur environnement.Etre ainsi toujours sur le qui vive et en alerte est épuisant. Cette immense déperdition d’énergie et de concentration rend alors difficile de rester disponible pour d’autres tâches.
« Hyperperception » et contagion des émotions
Nous avons tous des antennes qui perçoivent les émotions de notre entourage. Les "neurones miroirs" de nos cerveaux nous font éprouver nous-même les émotions que nous percevons chez l’autre. Nous percevons les modifications corporelles de l’autre, ses infimes et subtiles modifications de tonus musculaire liées aux émotions, sans que nous en ayons toujours conscience (ce que nous nommons le dialogue tonique).
Certains enfants, certains adultes sont particulièrement sensibles à cette contagion des émotions. Leurs antennes les amènent à les percevoir, ressentir, recevoir de façon très forte, comme si elles étaient les leurs. Vivre si fortement les émotions qui appartiennent aux autres, peut être un réel parasitage.
Alors certains s’épuisent. D’autres apprennent progressivement à se construire une enveloppe, une bulle, un peu plus étanche, voire imperméable, jusqu’à parfois « ne plus se laisser « être touchés ».
Cette contagion émotionnelle est aujourd’hui souvent nommée empathie. Je préfère pour ma part garder la définition d’origine de l’empathie (développée par Carl Rogers ) : comme la capacité à percevoir chez l’autre l’émotion sans la ressentir soi-même.
Hyperémotionnalité, ou « vulnérabilité « émotionnelle
Ce que je nomme ici hyperémotionnalité se distingue de l’hyperperception des émotions des autres. Nous sommes tous traversés en continu par nos émotions. Celles-ci se déclenchent dans notre corps, par un évènement qui vient faire écho à nos mémoires émotionnelles. Nous avons engrammé depuis notre conception de nombreuses mémoires, selon ce que nous avons vécu et perçu. Ces émotions laissent des traces et souvent des blessures plus ou moins vives à se réouvrir. Ces mémoires enfouies, souvent des émotions non exprimées, non transformées, restées en l’état, au fond de nous, viennent colorer notre présent. Elles sont prêtes à remonter à tout moment, à la surface, comme des bulles à chaque situation qui y fait écho
Elles peuvent être nommées et vues comme des lignes de vulnérabilité, de fragilité, une hyperémotivité, des émotions « à fleur de peau », intenses et rapides à émerger.
Pour finir, j’ai envie aussi de souligner ici l’hyperlucidité de certains enfants. Ce sont des enfants qui font attention à tout, qui ont une capacité à percevoir le monde depuis différents points de vue, comme dans une vue aérienne des situations. Ils voient tous les comportements des adultes. Ils repèrent les incohérences et les injustices.
Leur espace d’attention, de curiosité, de perception semblent aussi ne pas avoir de limites (le monde dans sa globalité, l’espace et les étoiles, l’histoire de l’humanité, l’infiniment grand, l’infiniment petit…).
Cette hyperlucidité peut me semble-t-il être mis en lien avec un haut potentiel intellectuel.
Les autres registres de l'hypersensibilité (sensorielle et émotionnelle) peuvent tout autant concerner des enfants et adultes ayant une déficience cognitive et tout un chacun.
Faire ces distinctions, reconnaître les spécificités de chacun, peut permettre plus de tolérance aux différences, sans pour cela attendre de mettre des étiquettes.
C’est aussi trouver les moyens de se connaitre, de se comprendre et de faire avec ses particularités pour mieux les vivre. Pouvoir reconnaître ses besoins, trouver ses propres stratégies, utiliser ses richesses pour soi et avec les autres.
Un lien vers un précédent article
https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/bebes-et-enfants-hypersensibles-des-pistes-pour-mieux-les-comprendre

Comments